Edito

ÉDITORIAL

Porte-parole du OFFTA 2010
Olivier Kemeid et Dave St-Pierre

Au centre de la Cité
Tout commence par un OFF, par un geste « hors norme ». Hier Espace Libre et Tangente, aujourd’hui Aux Écuries et l’OFFTA, demain qui sait?

Il fallait un OFF de théâtre et de danse à Montréal. Que cela ait pris tant d’années me semble même curieux. Pourquoi n’avions-nous pas de OFF? Comment vivions-nous sans OFF? Comment pouvait-on offrir un des festivals d’art les plus dynamiques du pays sans son pendant provocant et anarchiste ? Comment pouvait-on être in si on ne pouvait pas être off ?

Il fallait que ce OFF soit dirigé par des jeunes, du moins d’esprit, et qu’il se radicalise autour de quelques positions, question de darder les institutions. Question de ne pas faire comme, mais contre. Question d’être emmerdant. Il n’y a rien de plus emmerdant qu’un OFF.

Est-ce un hasard que l’OFFTA ait été créé par des femmes? Je ne crois pas. Nos jeunes femmes ont quelque chose à dire d’unique au Québec – je ne dis pas que les hommes n’ont rien à dire. Je dis que les jeunes femmes sont les seules qui peuvent aller dans certains recoins de la ville, et sans doute de notre âme. Elles ont des lieux qui leur sont propres. Cela a quelque chose à voir avec les bas-fonds. Je ne parle pas des bordels – tout le monde va au bordel. Je parle des tréfonds de notre psyché. Je parle du continent noir. Des terres refoulées…

Et puis ces jeunes femmes sont invitantes. Si elles ne l’étaient pas, elles n’auraient pas pris deux hommes comme porte-parole.

Je termine par le plus important : je déteste le mot « marge ». C’est un terme que la norme a inventé pour exclure les audaces, les provocations, la pulsion. C’est un terme qui réconforte le bourgeois : les marginaux dans la marge, et les vaches seront bien gardées.

Le OFFTA n’est pas dans la marge : il est au centre.

Au cœur de la Cité.

Il n’est pas repoussé dans ces bandes blanches en périphérie de la page, ceinturées de rouge : il est LE texte, lui aussi. Peut-être lui avant tout.

La vraie marge – c’est-à-dire les annotations superficielles à gauche des mots, les petits dessins comiques en bordure, les taches de café, bref tout ce qui ne restera pas de l’œuvre, tout ce qui s’effacera dans le temps – elle est plutôt le réceptacle de l’industrie culturelle, des temples du divertissement et des institutions asphyxiées. Des morts-vivants ou pire (et plus fréquent), des vivants-morts. La marge, c’est eux.

Pas nous.

Longue vie au OFFTA, pour la santé de la ville.

Olivier Kemeid, porte-parole