édition
vivants
05
20
Inventer des 32 mai
Nous vivons des temps étranges et notre temps nous est étranger.
– L’ère du temps, Modernité capitaliste et aliénation temporelle, Jonathan Martineau
Il existe des moments où le temps, celui qui se mesure et se quantifie, semble perdre son emprise. Où il semble étonnamment ralentir et s’accélérer à la fois. Des endroits où le présent redevient quelque chose de perceptible, plutôt qu’abstrait.
En imaginant cette 14e édition du festival, nous avions le désir d’offrir plus de temps pour se mettre à l’écoute d’autres temporalités, d’insuffler un autre rythme à ce qui nous apparaît comme inéluctable. Nous avions donc tenté de bricoler du temps qui n’existe pas, de redessiner les calendriers, de fabriquer des interstices à occuper pleinement, d’orchestrer des décélérations généralisées et de s’abandonner à ce qu’on ne contrôle pas. Mais de façon inattendue, au cours des derniers mois, l’actualité a dépassé nos aspirations. Nos questionnements se sont matérialisés brutalement dans nos quotidiens et le contexte nous a forcé·e·s à nous arrêter pour écouter.
Alors que nous ne savons pas encore ce que nous conserverons du monde que nous quittons, ni ce que le futur nous réserve, nous faisons le pari audacieux d’inventer un festival déconfiné. Nous avons invité des artistes à vous proposer des œuvres inédites pour que leurs voix nécessaires se rendent à vous. Que ce soit dans vos écouteurs, dans vos boîtes aux lettres ou en ligne, nous nous engageons à travers différents canaux à préserver le vivant, ce lien fragile et sensible qui nous unit, malgré la distance qui nous sépare.
C’est une invitation à la rencontre et une célébration du risque de la création autant pour les artistes que pour le public. Continuons de chambouler nos idées reçues, nos perceptions, nos fictions et tout ce qui définit notre rapport au monde. Que les artistes nous donnent accès, ainsi, à ce qui se tisse dans l’urgence, mais avec une infinie patience. Et dans ce moment de flottement collectif, réapproprions-nous cet espace de projections et de rêves qu’est le temps.
Nous nous retrouverons de l’autre côté de cette pause forcée pour activer la suite. Mais en attendant, ensemble, inventons des 32 mai.
Vincent de Repentigny, Directeur artistique et général et toute l’équipe du festival